Seconde vie – Isabelle Caltot
Galerie Raulin-Pompidou, Paris, FR
29.02. – 15.03.2024

Seconde vie – Isabelle Caltot Galerie Raulin-Pompidou, Paris, FR 29.02. – 15.03.2024

Isabelle Caltot

Les sculptures d’Isabelle Caltot ne manquent pas de toupet (certaines en ont même un sur la tête). Elles font feu de tout bois, ou plutôt de tout fil, clou, clef, ciseau, serrure, couteau. Elles sont joyeuses et drôles, bariolées, concentrées, touffues et indécises. Elles donnent envie de devenir toute petite, de rétrécir comme Alice pour plonger dedans comme on le faisait jadis dans le foin. On se sent au milieu d’elles dans l’univers magique des anciennes merceries, des bacs à peluches et des marchands de bonbons. Tous les trésors du monde amassés au fond des poches ou des cartables.

C’est un monde de matières. On a envie de toucher. Les matières appellent des gestes, des techniques de la main : broder, démêler, ravauder, coudre, embobiner, ramasser, débobiner, enfiler, carder, lainer, rafistoler. La mémoire passe par le corps. Nos vies contemporaines ont perdu presque tous les gestes qui pourraient les raccorder au passé. Isabelle Caltot ne se résigne pas à la perte manuelle de la mémoire. Avec ses fils, elle nous relie. Elle donne une vie seconde aux objets secondaires, aux restes, aux rebuts.

Ce sont des gestes pauvres, qui ont cessé d’être transmis. Les dégâts faits à la terre sont grandement liés à l’oubli de ces gestes. Ils produisent ici une sorte d’art premier où l’on voit l’expérience immémoriale de la pauvreté. Il y a une vérité de l’histoire dans les déchets, dans les traces les plus humbles des existences les plus humbles. Isabelle Caltot appartient à cette lignée de chiffonniers qui arpentent le monde avec leur hotte et leur crochet pour archiver nos vies à partir de ce que nous laissons tomber.

En 1972, Annette Messager intitulait « Les pensionnaires » les petits oiseaux empaillés qu’elle avait emmaillotés dans des mini pullovers de laine. La force de cette installation tenait à la proximité de la vie et de la mort, à la vulnérabilité des êtres et du soin qu’il faut en prendre, même quand ils sont morts. Cet univers féminin et intime est aussi celui d’Isabelle Caltot, même si le sien est moins lugubre. Ses sculptures incorporent l’oiseau et le tricot, enchevêtrent la tête et le fil, l’animal et la laine. Elles donnent un imaginaire insolite à la vie nouvelle. Les choses mortes peuvent renaître.

Text: Tiphaine Samoyault

English translation (with deepl.com)
Isabelle Caltot's sculptures are not lacking in nerve (some even have one on their heads). They use every kind of wood, or rather every kind of wire, nail, key, chisel, lock and knife. They're cheerful and funny, colourful and concentrated, bushy and indecisive. They make you want to become very small, to shrink like Alice and dive into them like we used to do in the hay. You feel like you're in the magical world of old haberdasheries, cuddly toy bins and sweet shops. All the treasures of the world gathered at the bottom of pockets or school bags.

It's a world of materials. You want to touch it. The materials call for hand gestures and techniques: embroidering, untangling, re-stitching, sewing, winding, picking up, uncoiling, threading, carding, lacquering, patching up. Memory comes through the body. Our contemporary lives have lost almost all the gestures that could link them to the past. Isabelle Caltot is not resigned to the manual loss of memory. With her threads, she connects us. She gives a second life to secondary objects, leftovers and scraps.

These are poor gestures that have ceased to be passed on. The damage done to the land is largely due to the fact that these gestures have been forgotten. Here, they produce a kind of primordial art in which we see the immemorial experience of poverty. There is a truth of history in waste, in the humblest traces of the humblest existences. Isabelle Caltot belongs to this line of ragpickers who criss-cross the world with their hoods and hooks to archive our lives from what we drop.

In 1972, Annette Messager called the stuffed birds she had swaddled in miniature woollen jumpers "Les pensionnaires". The power of this installation lay in the proximity of life and death, the vulnerability of human beings and the care we must take of them, even when they are dead. This intimate, feminine world is also that of Isabelle Caltot, although hers is less gloomy. Her sculptures incorporate the bird and the knitting, entwining the head and the thread, the animal and the wool. They give an unusual imagination to new life. Dead things can be reborn.

Text: Tiphaine Samoyault

More information: https://www.galerie-raulin-pompidou.com/expositions/isabelle-caltot/

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